vendredi 13 novembre 2020

Parallélisme : analogie vs causalité

                                      Lointain souvenir des inscriptions oraculaires ? 

Si l’on suit Lévi-Strauss l’idée d’une dualité à la base à la base de toute réalité et celle d’une appréhension analogique de celle-ci est la marque de la « pensée sauvage ». Pour Lévi-Strauss la « pensée sauvage » est une pensée qui construit une science à partir de l’observation des données sensibles récusant ainsi la rupture entre le sensible et l’intelligible introduite  par Platon et la science moderne. Pour l’ethnologue ce n’est en aucun cas une pensée « primitive » même avec des guillemets comme l’écrit Anne Cheng. L’idée d’une dualité à la base de la réalité n’est donc pas l’apanage de la pensée chinoise. Ce qui lui est en revanche spécifique c’est la manière dont fonctionne cette dualité et le rapport analogique établit entre les composantes de cette réalité. Ce rapport analogique repose sur les notions de « correspondance » (xiangying) ou de « résonnance » (ganying). « Il y a au cœur de la cosmologie qui prospère à cette époque l’idée que les choses et les êtres se répondent ou « correspondent », vibrent ou « résonnent » à l’unisson dès lors qu’ils appartiennent à des catégories analogues »

On trouve des exemples de ces notions dans le chapitre 6 du Huainanzi, ouvrage du tout début des Han : « Lorsque le vent d’est s’élève, le vin nouveau déborde. Lorsque le vers crache sa soie, la corde correspondante à la note shang se brise : c’est que quelque les a émus (gan) ».

 Ce n’est pas un rapport de cause à effet que le ganying établit entre les termes en correspondance. Ce n’est pas que A soit la cause de B, ou B l’effet de A. « Il se trouve simplement que « quelque chose les a émus » et que les deux phénomènes se produisent simultanément. Le Huainanzi développe d’une manière poétique, « un univers globalisant qui vit et vibre d’échos et de résonnances ». L’analogie qui unit les éléments est ici fondée sur le fait qu’elles peuvent vibrer, résonner ensemble : « supposons que l’on joue …d’un luth à sept cordes et d’un luth à vingt-cinq cordes. Si l’on frappe sur l’un la note gong, la même note sur l’autre lui répondra… ». Ici le rapport analogique concerne des choses ayant la même manière de vibrer, de résonner. Le rapport analogique peut aussi concerner des choses ayant la même manière de se mouvoir, d’agir (xing de wuxing).

 C’est cette idée que développe Léon Vandermeersch dans son livre Les deux raisons de la pensée chinoise. Or « cette façon d’agir n’est pas saisie sous la catégorie de la causalité. Dans la pensée occidentale, les choses agissent comme causes de leurs effets, et c’est ainsi qu’elle sont saisissables par la catégorie de la causalité, fondamentale dans la pensée théologique où elle a son modèle dans l’action divine, cause suprême de tout. Rien n’est plus éloigné de la pensée manticologique ». Dans la pensée manticologique et les wuxing, les choses marchent, agissent « à la manière de l’eau, du feu, du bois, du métal, de la terre. ».   Ainsi la direction de l’Est, le printemps, le foie …agissent à la manière du bois.

 Voilà. Mais ma bibliothécaire préférée vient de me téléphoner. L’oracle dell la luna vient d’arriver à Puyvert. J’irai le chercher demain. Dans quelques jours un nouvel article si je retrouve le passage que j’ai en tête et qui est « en correspondance » avec les théories de Zou Yan rapportée par Anne Cheng,  Il faut bien continuer à chanter même si Rome brûle.

A suivre,

Jean-Louis

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