Le
comparatisme permet de mieux comprendre une idée parce qu’elle est formulée
sous plusieurs formes par des disciplines ou des cultures différentes. Dans un
récent commentaire Françoise m’a semblé ouvrir une piste intéressante en
comparant certaines figures du Taijiquan avec certaines figures du YiJing.
Je ne connais pas du tout le Taijiquan, mais il serait intéressant de
voir si, parfois, on ne va pas jusqu’à retrouver les mêmes noms pour désigner
les figures de l’une et l’autre discipline.
Le
YiJing se présente sous la forme de transformations, de combinaisons
entre des structures différentes (les hexagrammes). En lisant Figures de
l’immanence, je retrouve le même vocabulaire que celui utilisé par
Lévi-Strauss pour étudier, les combinaisons, les transformations entre les
mythes ou les masques indiens. Les hexagrammes comme les mythes se trouvent
dans des rapports d’opposition, de symétrie, de renversement. Il serait, sans
doute, intéressant de comparer la mise en œuvre de ces notions dans la relation
qui existe entre les hexagrammes d’une part et la relation qui existe entre les
mythes indiens d’autre part. Ce serait un beau sujet de mémoire ou de
conférence (Peut-être un peu trop technique pour une conférence ?)
Nous
allons retrouver ces rapports de symétrie et d’inversion dans les deux nouveaux
couples d’hexagrammes que nous allons examiner maintenant. Ces deux nouveaux
couples nous font voir la « fin » avant le « début » comme
c’était le cas pour les hexagrammes 63 et 64.
Premier
couple : les hexagrammes 23, Bo, fin du yang et 24 Fu,
début du yang
Deuxième
couple : les hexagrammes 43, Guai, fin du yin et 44, Gou,
début du yin.
Nous
allons consacrer ce post au premier de ces hexagrammes : le 23, Bo,
le dépouillement du yang (du positif).
Cet hexagramme est composé de
cinq traits yin et d’un trait yang en sixième position
c’est-à-dire en voie d’évacuation. Le yin tend à expulser le yang au
lieu de se soumettre à son influence. Cette figure est, par conséquent,
« la plus néfaste ». Aussi le jugement porté à son égard est :
« il n’y a pas intérêt à aller de l’avant ». Mais jusqu’où peut-on ne
pas aller trop loin dans cette voie de l’élimination du facteur le plus positif
(le yang) par celui qui l’est le moins (le yin) ?
Voir : FJ P. 1283. Car telle qu’elle se présente cette figure nous
précipiterait vers le drame, vers le déraillement du réel. Comment faire
lorsque la raison achoppe ? Comment éviter la catastrophe ?
Selon
François Jullien (P.1285) devant une telle difficulté, lorsque la raison achoppe une des
solutions adoptées par la réflexion occidentale est de changer de Plan ;
de passer de l’ordre de la Raison à l’ordre de la Foi ou du Mythe Ce n’est pas
la solution adoptée par le Yi Jing qui va, au contraire, au lieu d’établir une
rupture, s’efforcer de replacer le problème dans une continuité quitte à
trouver des arrangements avec sa propre logique
Ainsi
alors que l’hexagramme Bo pourrait se lire comme l’évacuation sans
retour du positif, les commentaires vont réintégrer cet hexagramme dans la
continuité d’un développement plus ou moins artificiel mais qui sauve les
possibilités d’évolution. Selon
Wang Fuzhi, l’hexagramme Bo se trouve dans la continuité de l’hexagramme
N°20 Guan, « Regarder vers le haut ».
Or Guan renverse
complétement la perspective en présentant cette accumulation de yin non
pas comme une force montante menaçant de plus en plus le pouvoir du yang,
mais comme le regroupement d’une multitude de plus en plus nombreuse élevant
ses regards vers son seigneur (le yang en position souveraine, au
cinquième trait et se soumettant à lui : Bo, le
« dépouillement » ne correspond au fond qu’à un degré de plus dans
cette évolution.
Ainsi
grâce aux manipulations du commentaire, nous voici revenus à la vision rassurante
de la régulation. La catastrophe est évitée.
A
suivre,
Jean-Louis
Cette vision (Wang Fuzhi) dépréciative du yin me dérange. Je préfère la vision taoïste.
RépondreSupprimerJean-Louis
Que de matière à réflexion ! Retenons que la catastrophe est évitée, c'est d'actualité !
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