L’hexagramme
Fu (voir post précédant) nous a permis de souligner l’unité du Ciel et
de l’homme (sur cette unité voir Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise,
P168-169 ). Cette unité se traduit par une unité entre le
fonctionnement du Ciel et le fonctionnement de l’homme et nous avons vu que
nous pouvons appréhender le fonctionnement du Ciel à partir de notre propre
fonctionnement, à partir de notre expérience individuelle. Le
Grand commentaire du Livre des mutations nous permet d’approfondir
cette solidarité entre le fonctionnement du Ciel et le fonctionnement de
l’homme.
Le
propre du fonctionnement du Ciel, du procès de la réalité est d’être
« vertueux » puisqu’il engendre de manière continue les existants.
Cet engendrement se fait, nous dit le Grand commentaire, avec facilité
et simplicité, de soi-même, par la simple interaction du ciel et de la
terre, du yin et du yang. Notons que le yi de Yi Jing
signifie mutation, changement mais aussi facilité. Cet engendrement ne dépend
pas d’une causalité extérieure, n’implique pas un sujet transcendant. Il se
fait sans forcer, sans peine ni dépense. C’est pourquoi la sagesse, telle
que l’ont conçue les Chinois, est simplement de repérer comment marche le grand
procès du monde et de se conformer à sa logique. FJ P1332. Si elle peut
opérer en profondeur et transforme effectivement, c’est que la conduite du Sage
se conforme à la marche des choses et demeure en prise sur l’efficacité que
celle-ci déploie d’elle-même – silencieuse et discrète : elle est branchée
sur la même logique d’immanence, à la fois simple et facile, que le grand
procès du réel. FJ P. 1330
Dans
Les Entretiens, Confucius décrit les grandes étapes de sa vie qui sont
une marche vers une concordance entre son propre fonctionnement et le
fonctionnement du monde.
吾十有五而志于學
三十而立
四十而不惑
五十而知天命
六十而耳順
七十而從心所欲不逾距 Les Entretiens II.4
三十而立
四十而不惑
五十而知天命
六十而耳順
七十而從心所欲不逾距 Les Entretiens II.4
A
quinze ans, j’ai résolu d’apprendre.
A
trente ans, je me tenais debout.
A
quarante, je n’étais plus dans la confusion.
A
cinquante, je savais à quoi j’étais destiné.
A
soixante, j’avais l’oreille accordée.
A
présent que j’en ai soixante-dix, je suis les désirs de mon cœur sans jamais
passer la mesure.
(Traduction
Anne Cheng)
A
soixante-dix ans, la dernière étape de sa vie, Confucius arrive à une pleine
concordance entre les désirs de son cœur et le fonctionnement du monde ;
il peut agir selon les désirs de son cœur sans transgresser l’ordre du monde.
A
suivre,
Jean-Louis
Je n’ai, malheureusement, pas le sentiment que d’avancer en âge me procure cette souveraine liberté dont parle Confucius. Peut-être seulement a-t-on lu quelques poèmes que l’on peut partager.
RépondreSupprimerEt puisqu’il est question du temps qui passe voici un extrait d’un beau poème d’Aragon : « J’arrive où je suis étranger » (in La Diane française)
Peu à peu tu te fais silence
Mais pas assez vite pourtant
Pour ne sentir ta dissemblance
Et sur le toi-même d'antan
Tomber la poussière du temps
C'est long vieillir au bout du compte
Le sable en fuit entre nos doigts
C'est comme une eau froide qui monte
C'est comme une honte qui croît
Un cuir à crier qu'on corroie
C'est long d'être un homme une chose
C'est long de renoncer à tout
Et sens-tu les métamorphoses
Qui se font au-dedans de nous
Lentement plier nos genoux
Ce poème a été magnifiquement mis en musique par Jean Ferrat :
https://www.youtube.com/watch?v=gqB_lIKaPl0&list=RDgqB_lIKaPl0&start_radio=1
Si vous ne la connaissez pas, écoutez cette chanson, vous n’aurez pas perdu complétement votre journée, même si vous ne faîtes rien d’autre.
Jean-Louis
Magnifique poème que je n'avais jamais entendu chanté, en général, j'ai néanmoins une préférence pour les interprétations de Marc Ogeret. Merci pour cette découverte!
RépondreSupprimerAh Marc Ogeret ! Mais aussi Jacques Bertin, Hélène Martin que j'écoutais en boucle sur les vinyles. Ils ont tous interprété "Maintenant que la jeunesse", une bien belle chanson également, que du coup j'ai eu plaisir à réentendre, avec une petite préférence pour la version d'Hélène Martin.
RépondreSupprimerJean-Louis