jeudi 18 juin 2020

A soixante-dix ans je suis les désirs de mon coeur ...


L’hexagramme Fu (voir post précédant) nous a permis de souligner l’unité du Ciel et de l’homme (sur cette unité voir Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise, P168-169  ).  Cette unité se traduit par une unité entre le fonctionnement du Ciel et le fonctionnement de l’homme et nous avons vu que nous pouvons appréhender le fonctionnement du Ciel à partir de notre propre fonctionnement, à partir de notre expérience individuelle. Le Grand commentaire du Livre des mutations nous permet d’approfondir cette solidarité entre le fonctionnement du Ciel et le fonctionnement de l’homme.

Le propre du fonctionnement du Ciel, du procès de la réalité est d’être « vertueux » puisqu’il engendre de manière continue les existants. Cet engendrement se fait, nous dit le Grand commentaire, avec facilité et simplicité, de soi-même, par la simple interaction du ciel et de la terre, du yin et du yang. Notons que le yi de Yi Jing signifie mutation, changement mais aussi facilité. Cet engendrement ne dépend pas d’une causalité extérieure, n’implique pas un sujet transcendant. Il se fait sans forcer, sans peine ni dépense. C’est pourquoi la sagesse, telle que l’ont conçue les Chinois, est simplement de repérer comment marche le grand procès du monde et de se conformer à sa logique. FJ P1332. Si elle peut opérer en profondeur et transforme effectivement, c’est que la conduite du Sage se conforme à la marche des choses et demeure en prise sur l’efficacité que celle-ci déploie d’elle-même – silencieuse et discrète : elle est branchée sur la même logique d’immanence, à la fois simple et facile, que le grand procès du réel. FJ P. 1330

Dans Les Entretiens, Confucius décrit les grandes étapes de sa vie qui sont une marche vers une concordance entre son propre fonctionnement et le fonctionnement du monde.
吾十有五而志于學
三十而立
四十而不惑
五十而知天命
六十而耳順
七十而從心所欲不逾距    Les Entretiens II.4

A quinze ans, j’ai résolu d’apprendre.
A trente ans, je me tenais debout.
A quarante, je n’étais plus dans la confusion.
A cinquante, je savais à quoi j’étais destiné.
A soixante, j’avais l’oreille accordée.
A présent que j’en ai soixante-dix, je suis les désirs de mon cœur sans jamais passer la mesure.
(Traduction Anne Cheng)

A soixante-dix ans, la dernière étape de sa vie, Confucius arrive à une pleine concordance entre les désirs de son cœur et le fonctionnement du monde ; il peut agir selon les désirs de son cœur sans transgresser l’ordre du monde.
A suivre,
Jean-Louis




3 commentaires:

  1. Je n’ai, malheureusement, pas le sentiment que d’avancer en âge me procure cette souveraine liberté dont parle Confucius. Peut-être seulement a-t-on lu quelques poèmes que l’on peut partager.

    Et puisqu’il est question du temps qui passe voici un extrait d’un beau poème d’Aragon : « J’arrive où je suis étranger » (in La Diane française)

    Peu à peu tu te fais silence
    Mais pas assez vite pourtant
    Pour ne sentir ta dissemblance
    Et sur le toi-même d'antan
    Tomber la poussière du temps
    C'est long vieillir au bout du compte
    Le sable en fuit entre nos doigts
    C'est comme une eau froide qui monte
    C'est comme une honte qui croît
    Un cuir à crier qu'on corroie
    C'est long d'être un homme une chose
    C'est long de renoncer à tout
    Et sens-tu les métamorphoses
    Qui se font au-dedans de nous
    Lentement plier nos genoux

    Ce poème a été magnifiquement mis en musique par Jean Ferrat :

    https://www.youtube.com/watch?v=gqB_lIKaPl0&list=RDgqB_lIKaPl0&start_radio=1

    Si vous ne la connaissez pas, écoutez cette chanson, vous n’aurez pas perdu complétement votre journée, même si vous ne faîtes rien d’autre.

    Jean-Louis

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  2. Magnifique poème que je n'avais jamais entendu chanté, en général, j'ai néanmoins une préférence pour les interprétations de Marc Ogeret. Merci pour cette découverte!

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  3. Ah Marc Ogeret ! Mais aussi Jacques Bertin, Hélène Martin que j'écoutais en boucle sur les vinyles. Ils ont tous interprété "Maintenant que la jeunesse", une bien belle chanson également, que du coup j'ai eu plaisir à réentendre, avec une petite préférence pour la version d'Hélène Martin.
    Jean-Louis

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