Plastron de carapace de tortue (in les deux raisons de la pensée chinois
de Léon Vandermeersch)
La forme la plus répandue
de divination chez les chasseurs et éleveurs des steppes de l’Eurasie est
l’ostéomancie, c’est-à-dire la divination sur os. Les ethnologues en ont aussi
trouvé des exemples en Amérique du Nord par exemple chez les Algonquins
(cousins des chasseurs nomades sibériens). Les spécialistes la dénomment plus
exactement pyroscapulomancie, généralement simplifiée en scapulomancie.
Elle consiste à interpréter les configurations que dessinent de façon aléatoire
les craquelures que provoque la forte chaleur d’un feu sur des os plats d’animaux
– en général des omoplates. Ces pratiques sont encore observées à l’époque
contemporaine chez les Lusu du Yunnan.
Selon certaines
hypothèses ces pratiques étaient sans doute le corollaire de sacrifices
d’animaux offerts en holocaustes aux puissances surnaturelles. A l’issue de ces
holaucaustes, les chamans devaient sans doute rechercher sur les débris d’os à
demi calcinés des signes indiquant si les offrandes avaient été acceptées ou
non.
L’ostéomancie s’est peu à
peu perfectionnée par une procédure un peu moins sommaire que le simple
chauffage des omoplates au-dessus d’un feu, procédure qui consiste à utiliser
un outil de brûlage, fait sans doute d’une sorte de tison qui, appliquée sur
l’os, y laisse une marque de brûlure caractéristique. Cet outil, dénommé
poinçon, permet de brûler par le dessous la pièce divinatoire de manière à
faire apparaître sur la face du dessus des craquelures scapulomantiques. Peu à peu et notamment
pendant la dynastie des Xia (1900 à 1600 av JC) la procédure se raffine. Les
omoplates sont soigneusement préparées ; les points d’application de
l’outil de brûlage sont creusés afin que les craquelures apparaissent plus
nettement.
Une remarquable mutation
se produit lorsque l’on en vient à utiliser des carapaces de tortues concurremment
aux omoplates. Cette innovation marque un saut qualitatif qui transforme la
scapulomancie en ce que LV appelle la chéloniomancie ou divination par la
tortue (chélônè). Elle est pratiquée dans le sud du Shandong (patrie de
Confucius) où abondaient les cours d’eau foisonnant de tortues d’eau douce.
Dans la tradition chinoise la tortue fait partie, avec le dragon, le phénix et
la licorne des quatre animaux mythiques. Elle a la tête du serpent et le cou du
dragon. La tortue est un animal à nul autre pareil, car de nature
cosmique : sa carapace étant en dessus hémisphérique comme le ciel, en
dessous plate et plutôt carrée comme la terre et sa durée de vie n’en finit pas
comme celle du monde. Il y a là tous les ingrédients d’une croyance à un rapport
magique par analogie entre ce qui se passe dans le cosmos et ce que l’on peut
faire artificiellement se passer sur une tortue. De cette croyance est née la chéloniomancie
comme nec plus ultra de la scapulomancie, sans d’ailleurs se substituer à
celle-ci, qui a continué d’être pratiquée aussi sur les omoplates faute, sans
doute, d’approvisionnement en carapaces, mais en prenant les formes de plus en
plus sophistiquées de la divination par la tortue.
A
suivre,
Jean-Louis
Je tiens à préciser que ces articles ne sont que des notes de lecture qui me permettent de mieux intégrer l’ouvrage de LV. Je m’en servirai pour une éventuelle conférence sur la divination chinoise. Ces articles n’ont rien de personnel. Il s'agit le plus souvent de citations mises bout à bout.
RépondreSupprimerJean-Louis