dimanche 9 août 2020

La métacosmologie et le principe de corrélativité

 Un courant de pensée s’organise à partir des distinctions premières qu’il organise dans l’ordre des choses. Pour Platon, la distinction première c’est la distinction entre le sensible et l’intelligible, entre le monde des Idées et le monde de l’illusion. Entre les deux, il y a une coupure symbolisée par la situation de prisonniers (du monde sensible) des habitants de la Caverne. Dans les grandes religions monothéistes, la distinction première c’est la distinction entre Dieu et sa création. Là encore il y a une coupure entre les deux mondes. Dans la pensée chinoise, la distinction première c’est la distinction entre le virtuel et le manifeste, entre le « Il n’y a pas » et le « Il y a ». Entre les deux il n’y a pas de coupure, il y a un passage permanent marqué par un phénomène d’actualisation du virtuel dans le manifeste, du « Il n’y a pas » dans le « Il y a » et de retour du « Il y a » dans le « Il n’y a pas ». C’est cette non séparation qui fonde la possibilité de la divination chinoise qui ne consiste pas à interpréter la volonté des Esprits mais à découvrir le plus en amont possible le germe d'actualisation du « Il n’y a pas », du temps t vers le « Il y a », le temps t+1. Ce germe du passage les devins vont le trouver dans la transformation des hexagrammes du Yijing. Les hexagrammes étant la figure des diverses situations auxquelles on peut des trouver confronter.

Le Yijing contient sous une forme très technique les principes de ce que Léon Vandermeersch appelle une métacosmologie « Métacosmologie plutôt que métaphysique, car la dimension de transcendance propre à la divination n’est pas ontologique, mais seulement transphénoménale. ». Les principes de cette métacosmologie ont été explicités par un certain Zou Yan (305-240) qui a médité sur une vaste synthèse dont il a fait la doctrine « du Yin et du Yang et des Cinq Agents »

Comme la qualifie le Yijing lui-même, la métacosmologie marque un « au-delà des formes sensibles » et non de la réalité physique ». Pour la pensée chinoise cet « au-delà des formes sensibles » c’est le virtuel, le « Il n’y a pas ». Les formes sensibles étant le manifeste, le « Il y a ». Les lois de la métacosmologie ne sont pas visibles au niveau phénoménal des choses et ne sont révélées que par la divination. « Cependant - l’essentiel est là-, ce qui est ainsi révélé, l’est sur un tout autre plan que celui des enchaînements visibles de causes et d’effets…la divination sert à procurer la connaissance de ce qui va advenir par la révélation de relations d’un deuxième type dégagées …sur un modèle du cosmos d’abord zoologique (la tortue), puis numérologique (le faisceau des cinquante tiges d’achillée). Ce sont ces relations d’un deuxième type qui ont été théorisés par une métacosmologie jouant sur la corrélativité au lieu de la causalité. » (soulignés par moi).

 A suivre,

Jean-Louis

2 commentaires:

  1. A rendre plus clair accessible dans le cadre d'une conférence.
    Jean-Louis

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  2. Très clair et très bien expliqué d'après ma sinologue préférée !

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