Xian, hexagramme 31
Je
vais commencer maintenant l’étude des quatre hexagrammes énumérés dans le post
précédant en suivant, bien sûr, Figures de l’immanence. Il s’agit d’une
partie très technique que je vais simplifier à l’extrême. Nous allons retrouver
l’importance des notions de transformation et de position dans la
signification. Chemin faisant nous verrons apparaitre certains traits généraux
de la culture chinoise. Ce sont eux que je privilégierai dans l’optique d’une
éventuelle conférence plutôt qu’une analyse exhaustive des traits et de leurs
commentaires probablement plus utiles dans le cadre de l’utilisation du Yi
Jing comme outil d’aide à la décision.
Commençons
donc par l’hexagramme 31, Xian, l’incitation stimulatrice qui
procède par transformation de l’hexagramme Pi, le déclin (voir post du
20 avril) et qui propose un dépassement de celui-ci. Xian procède de Pi
par permutation des traits supérieurs de leurs trigrammes respectifs. Le
sixième trait yang descend en troisième position et le troisième trait yin
monte en sixième position.
Hexagramme 12, Pi, le déclin
Hexagramme 31, Xian, l'incitation stimulatrice
Les
troisième et sixième trait qui sont ici permutés représentent la partie la plus
extérieure – parce que supérieure de chacun des trigrammes. La figure signifie
donc l’incitation par contact au-dehors qi ne cesse de se produire entre tous
les existants. L’importance de cette figure est manifeste mais elle n’est pas
sans ambiguïté. Certes elle représente bien la façon de commencer à sortir de
Pi, le déclin dont elle est dérivée : par réaction à l’incitation venue du
dehors, l’existence sort de sa stagnation, la communication est rétablie. Mais
elle risque d’être superficielle car elle s’opère à la surface des deux
trigrammes.
Tout
dépend donc entre quoi et quoi se produit l’incitation. Si cette incitation
concerne le Ciel et la Terre, elle ne peut manquer de provoquer sans fin
l’engendrement des existants. De même quand c’est la conscience du Sage qui
réagit au monde il en résulte une sorte de contagion du bien dans toute la
société. Car, selon la vision qui est traditionnelle en Chine, le Sage
« n’instruit » pas les autres par sa parole, en exposant
dogmatiquement la vérité et donnant des leçons, mais il ne cesse de les
stimuler. Il n’a pas pour vocation d’apporter aux hommes un message… mais
simplement une « incitation » François Jullien P. 1236. C’est la
une différence avec la conception des philosophes occidentaux. On se souvient
du jugement sévère de Hegel sur les Entretiens de Confucius déçu de ne
pas trouver de grande construction théorique comme les philosophes occidentaux
en ont bâti à foison. De fait, les propos de Confucius ne sont pas
insipides, mais incitatifs…Confucius n’explique pas, il incite. (sur ce
point voir Cyrille Javary, Les trois sagesses chinoises, P. 111)
Un
autre exemple d’incitation favorable est celle qui existe entre les
sexes : « prendre femme est faste » puisqu’en découle
l‘engendrement de l’existence. Notons que le yang masculin
« descend » à la rencontre du yin mais sans quitter les siens.
Les quatrième et cinquième traits yang demeurent à côté de lui comme il est
convenable en Chine où traditionnellement l’homme reste dans sa famille. Par
contre le yin, féminin monte en sixième position et rejoint la famille de son
époux (les traits yang).
Mais
on l’a vu cette figure est ambiguë. L’incitation risque d’être superficielle
car elle s’opère à la surface des deux trigrammes. La figure est aussi comparée
au corps humain. Le premier trait est l’orteil et en remontant on arrive à la
bouche au sixième trait. La bouche étant le siège de la parole. Or c’est
particulièrement là que peut surgir les dangers d’une incitation superficielle
et par conséquent stérile.
Parler
à peine on est incité est le comble du méprisable et es mots qui jaillissent
alors de notre bouche … seront dépourvus de discernement.
On
reconnait ici la défiance des penseurs chinois, particulièrement taoïstes pour
le langage discursif.
Qui
sait ne parle pas
Qui
parle ne sait pas
Garde
la bouche fermée
Garde
la porte close Laozi §16
Ou
encore : Tu es le maître des paroles que tu n’as pas dites, tu es
l’esclave des paroles que tu as prononcées.
Cette
brève analyse de l’hexagramme Xian, nous a permis de vérifier
l’importance de la transformation et de la position des traits dans la
signification. Il faudra voir avec des amies spécialistes comment on passe
d’une analyse générale telle que proposée dans Figures de l’immanence à
une interprétation ciblée sur l’aide à a décision (divination).
Pour
ma part, je reste assez perplexe devant la diversité des interprétations
possibles d’un hexagramme. Alors richesse symbolique ou auberge
espagnole ? Quel est votre avis ?
A
suivre,
Jean-Louis