dimanche 18 mars 2018

Les opposés complémentaires dans la cosmologie chinoise et la mythologie amérindienne

Le Yin et le Yang, modèle des opposés complémentaires de la cosmologie chinoise



Deux masques indiens opposés compléméntaires


La cosmologie chinoise
Dans la cosmologie chinoise le modèle des opposés complémentaires est le couple Yin/Yang. Dans la figure qui les représente le Yin, c’est la partie noire, le Yang c’est la partie blanche. Ces couleurs (ou absence de couleurs) sont à mettre en relation avec l’origine de ces notions. Le Yin c’est l’ubac, le versant à l’ombre de la montagne. Les qualités associées au Yin seront donc : l’obscurité, la fraicheur, l’humidité, la nuit, la saison froide…Le Yang c’est l’adret, le versant ensoleillé de la montagne. Les qualités associées au Yang seront donc les qualités opposées à celles du Yin à savoir : la lumière, la chaleur, le sec, le jour, la saison chaude. Le Yin et le Yang sont dits complémentaires car les relations qui les unissent sont des relations de passage, de transformation, d’alternance. Le Yin nait, murit et se transforme en son contraire le Yang comme le jour succède à la nuit, et l’été succède à l’hiver. En outre, le Yin n’existe que par rapport au Yang et réciproquement. L’obscurité, la fraicheur, l’humidité n’existe et n’ont de sens que par rapport à la lumière, à la chaleur, au sec.
On retrouve cette notion d’opposés complémentaires dans la mythologie amérindienne.

La mythologie amérindienne
Claude Lévi-Strauss a souligné à de nombreuses reprises que les mythes ou les masques indiens connaissent plusieurs versions. En passant d’une version à l’autre les caractéristiques des mythes ou des masques se transforment en s’inversant comme le Yin et le Yang. En outre, comme les opposés complémentaires de la cosmologie chinoise, un mythe ou un masque ne peuvent pas être compris, n’ont pas de sens pris séparément. Pour comprendre un mythe ou un masque il faut les envisager dans leurs différentes versions, dans leurs transformations, dans leurs oppositions. « A toutes ces interrogations, je suis resté incapable de répondre avoir d’avoir compris que, pas plus que les mythes, les masques ne peuvent s’interpréter en eux-mêmes et par eux-mêmes, comme des objets séparés. Envisagé d’un point de vue sémantique, un mythe n’acquiert un sens qu’une fois replacé dans le groupe de ses transformations ». Claude Lévi-Strauss, La voie des masques.

La forme, la couleur, les aspects d’un masque ne peuvent s’interpréter isolément. Ces aspects sont indissociables d’autres auxquels ils s’opposent. « Le swaihwé salish (masque de gauche) et la dzonokwa kwakiutl (masque de droite), que nul n’aurait songé à comparer, ne sont pas interprétables chacun pour son compte et considérés à l’état isolé. Ce sont des pièces d’un système au sein duquel ils se transforment mutuellement. Comme il est vrai des mythes, les masques, avec les mythes qui fondent leur origine et les rites où ils comparaissent, ne deviennent intelligibles qu’à travers les rapports qui les unissent. La couleur blanche des parures swaihwé, la couleur noire du masque dzonokwa, les yeux protubérants de l’un et concaves de l’autres, la langue pendante et la bouche aux lèvres froncées signifient moins chacun pris à part, qu’ils n’ont un sens, pourrait-on dire diacritique. L’attribution de chaque trait à tel ou tel être surnaturel est fonction de la façon dont, au sein d’un panthéon, ces êtres s’opposent les uns aux autres pour mieux assurer des rôles complémentaires. » Claude Lévi-Strauss, La voie des masques.

On pourrait multiplier les citations. Ainsi, les mythes, les masques indiens, comme le Yin et le Yang, se transforment en inversant leurs caractéristiques, comme le Yin et le Yang, ils ne peuvent être compris séparément, comme le Yin et le Yang, ils s’opposent de manière complémentaire.

Mais il existe une différence importante entre la cosmologie chinoise et la pensée mythique amérindienne. La première repose sur une conception naturaliste. Les catégories de cette cosmologie sont des données sensibles de la nature qui trouvent représentation abstraite dans la figure géométrique du Yin/Yang. Les mutations, transformations, oppositions complémentaires que l’on peut observer entre le Yin et le Yang, en un mot le dynamisme de la nature se font d’eux-mêmes (notion de ziran) sans intervention d’un Dieu créateur ou  de personnages supranaturels. A l’inverse les mutations, transformations, oppositions complémentaires que nous racontent les mythes sont l’œuvre de personnages supranaturels. Ces différences sont bien soulignées par Anne Cheng : « Si les textes chinois font occasionnellement référence à des représentations cosmogoniques de l’origine ou de la genèse du monde, celui-ci est représenté, de manière prédominante, comme allant « de soi-même ainsi » suivant un processus de transformation…On a déjà constaté la pauvreté des mythes de la Chine ancienne, du moins tels qu’ils nous sont parvenus. A tel point qu’on est en droit de se demander, pour reprendre le titre de Paul Veyne, si les Chinois ont cru à leurs mythes. »Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise.

Ces notions de Yin et de Yang, d’opposés complémentaires pourraient peut-être être approfondies dans une conférence.
Jean-Louis

1 commentaire:

  1. C'est bien intéressant tout çà! Et une conférence sur ce sujet serait la bienvenue, à la fois pour décliner les modalités des transformations yin/yang qui vont des arts martiaux à l'énergétique, la médecine, la peinture, la calligraphie etc. L'aspect comparatif avec les mythes amérindiens serait aussi une ouverture très intéressante et puis on a la chance d'avoir une de nos fidèles participantes à la croisée de ces 2 mondes, alors si elle nous lit...

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