Le Yin et le Yang, modèle des opposés complémentaires de la cosmologie chinoise
Deux masques indiens opposés compléméntaires
La cosmologie chinoise
Dans
la cosmologie chinoise le modèle des opposés complémentaires est le couple
Yin/Yang. Dans la figure qui les représente le Yin, c’est la partie noire, le
Yang c’est la partie blanche. Ces couleurs (ou absence de couleurs) sont à
mettre en relation avec l’origine de ces notions. Le Yin c’est l’ubac, le
versant à l’ombre de la montagne. Les qualités associées au Yin seront
donc : l’obscurité, la fraicheur, l’humidité, la nuit, la saison froide…Le
Yang c’est l’adret, le versant ensoleillé de la montagne. Les qualités associées
au Yang seront donc les qualités opposées à celles du Yin à savoir : la lumière,
la chaleur, le sec, le jour, la saison chaude. Le Yin et le Yang sont dits
complémentaires car les relations qui les unissent sont des relations de
passage, de transformation, d’alternance. Le Yin nait, murit et se transforme
en son contraire le Yang comme le jour succède à la nuit, et l’été succède à
l’hiver. En outre, le Yin n’existe que par rapport au Yang et réciproquement.
L’obscurité, la fraicheur, l’humidité n’existe et n’ont de sens que par rapport
à la lumière, à la chaleur, au sec.
On
retrouve cette notion d’opposés complémentaires dans la mythologie
amérindienne.
La mythologie amérindienne
Claude
Lévi-Strauss a souligné à de nombreuses reprises que les mythes ou les masques
indiens connaissent plusieurs versions. En passant d’une version à l’autre les
caractéristiques des mythes ou des masques se transforment en s’inversant comme
le Yin et le Yang. En outre, comme les opposés complémentaires de la cosmologie chinoise, un mythe ou un masque ne peuvent pas être compris,
n’ont pas de sens pris séparément. Pour comprendre un mythe ou un masque il
faut les envisager dans leurs différentes versions, dans leurs transformations,
dans leurs oppositions. « A toutes ces interrogations, je suis resté
incapable de répondre avoir d’avoir compris que, pas plus que les mythes, les
masques ne peuvent s’interpréter en eux-mêmes et par eux-mêmes, comme des
objets séparés. Envisagé d’un point de vue sémantique, un mythe n’acquiert un
sens qu’une fois replacé dans le groupe de ses transformations ». Claude
Lévi-Strauss, La voie des masques.
La
forme, la couleur, les aspects d’un masque ne peuvent s’interpréter isolément.
Ces aspects sont indissociables d’autres auxquels ils s’opposent. « Le
swaihwé salish (masque de gauche) et la dzonokwa kwakiutl (masque de droite),
que nul n’aurait songé à comparer, ne sont pas interprétables chacun pour son
compte et considérés à l’état isolé. Ce sont des pièces d’un système au sein
duquel ils se transforment mutuellement. Comme il est vrai des mythes, les
masques, avec les mythes qui fondent leur origine et les rites où ils
comparaissent, ne deviennent intelligibles qu’à travers les rapports qui les
unissent. La couleur blanche des parures swaihwé, la couleur noire du masque
dzonokwa, les yeux protubérants de l’un et concaves de l’autres, la langue
pendante et la bouche aux lèvres froncées signifient moins chacun pris à part,
qu’ils n’ont un sens, pourrait-on dire diacritique. L’attribution de chaque
trait à tel ou tel être surnaturel est fonction de la façon dont, au sein d’un
panthéon, ces êtres s’opposent les uns aux autres pour mieux assurer des rôles
complémentaires. » Claude Lévi-Strauss, La voie des masques.
On
pourrait multiplier les citations. Ainsi, les mythes, les masques indiens,
comme le Yin et le Yang, se transforment en inversant leurs caractéristiques, comme le Yin et le Yang, ils ne peuvent être compris
séparément, comme le Yin et le Yang, ils s’opposent de manière complémentaire.
Mais
il existe une différence importante entre la cosmologie chinoise et la pensée
mythique amérindienne. La première repose sur une conception naturaliste. Les
catégories de cette cosmologie sont des données sensibles de la nature qui
trouvent représentation abstraite dans la figure géométrique du Yin/Yang. Les
mutations, transformations, oppositions complémentaires que l’on peut observer
entre le Yin et le Yang, en un mot le dynamisme de la nature se font d’eux-mêmes
(notion de ziran) sans intervention
d’un Dieu créateur ou de personnages
supranaturels. A l’inverse les mutations, transformations, oppositions
complémentaires que nous racontent les mythes sont l’œuvre de personnages
supranaturels. Ces différences sont bien soulignées par Anne Cheng :
« Si les textes chinois font occasionnellement référence à des
représentations cosmogoniques de l’origine ou de la genèse du monde, celui-ci
est représenté, de manière prédominante, comme allant « de soi-même
ainsi » suivant un processus de transformation…On a déjà constaté la
pauvreté des mythes de la Chine ancienne, du moins tels qu’ils nous sont
parvenus. A tel point qu’on est en droit de se demander, pour reprendre le
titre de Paul Veyne, si les Chinois ont cru à leurs mythes. »Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise.
Ces
notions de Yin et de Yang, d’opposés complémentaires pourraient peut-être être
approfondies dans une conférence.
Jean-Louis