Vimalakīrti en train de débattre avec le bodhisattva Manjushri.
Fête de l'Ullambana à Pékin
Danses du Bon-Odori au Japon
La
piété filiale, comme on le sait, est l’un des piliers de la société chinoise
traditionnelle. Elle repose sur le lien de réciprocité qui unit les parents à
leurs enfants. Les parents élèvent leurs enfant et les éduquent, le moment venu
les enfants prendront soin de leurs parents. La piété filiale sert de modèle
aux autres relations sociales notamment à la relation qui unit le prince à ses
sujets. La grande idée de Confucius, le ren
仁, notion que l’on traduit en général par sens de l’humain, qualité humaine repose
aussi sur l’idée de réciprocité (le ren
c’est faire à autrui le bien que l’on voudrait que l’on nous fasse) et trouve
son modèle dans la piété filiale. Par extension, l’idée de réciprocité contenue
dans la piété filiale trouve sa manifestation dans les témoignages d’amitié que
nos amis chinois nous envoient en souvenir du rôle de « parents
français » que nous avons tenu en favorisant leur intégration lors de leur
séjour en France.
Avec l’institution monastique qui veut que
l’on quitte sa famille pour se faire moine, le bouddhisme semblait en
contradiction avec la piété filiale. Pourtant le bouddhisme du Mahâyâna qui est
le courant qui se diffusa en Chine parvint à ménager la tradition chinoise
comme on peut le constater dans deux sûtras : le Sûtra de Vimalakîrti et
le Sûtra de l’Ullambana.
le Sûtra de Vimalakîrti
Ce Sûtra raconte l’histoire
suivante : Vimalakîrti marchand prospère était gravement malade. Le
Bouddha qui était son ami demande à ses disciples d’aller s’enquérir des causes
de sa maladie. Mais tous se récusent car ils craignaient ses réparties
cinglantes. Seul Manjushri, bodhisattva de la Sagesse suprême, accepte de se
rendre au chevet du malade. L’échange qui s’ensuit entre le laïc et le
religieux donne lieu à l’un des enseignements les plus profonds du bouddhisme
Mahâyâna portant notamment sur la notion de vacuité. Au cours de ce dialogue on
apprend également que la maladie de Vimalakîrti provient de son empathie envers
les malades et ceux qui souffrent. Cette profonde compassion est la
caractéristique du bodhisattva, l’Etre d’Eveil, qui s’abstient d’entrer en nirvâna tant que
tous les êtres souffrants n’ont pas atteint l’Eveil.
Alors que le bouddhisme originel (Hînayâna)
réservait le Salut à l’élite monastique,
le Sûtra de Vimalakîrti offre l’exemple d’un laïc, père de famille,
participant aux affaires de la Cité et modèle de piété filiale devenu un
bodhisattva accompli. Comme le résume Anne Cheng dans son Histoire de la pensée chinoise « Vimalakîrti, tout à la fois
incarnation du saint laïc et modèle de piété filiale, apparaît comme une figure
centrale du Mahâyâna qui cherche précisément à étendre la bouddhéité hors des
limites restrictives du rigorisme monastique, tout en étant présenté comme un
idéal confucéen susceptible de parler directement à la mentalité
chinoise ».
Le Sûtra de L’Ullambana
Ce Sûtra raconte l’histoire de Moggallâna
(en chinois Mulian), l’un des dix grands disciples du Bouddha, qui descendit
aux enfers pour sauver sa mère.
Moggallâna usa de ses pouvoirs pour
rechercher sa mère défunte dans les six mondes du samsara. Grâce à sa vue
surnaturelle, il vit sa mère enfermée dans le monde des esprits affamés où elle
souffrait en raison de la cupidité dont elle avait fait preuve dans sa vie
antérieure. Désespéré Moggallâna revint auprès du Bouddha pour le supplier de
sauver sa mère. Le Bouddha lui répondit que pour sauver sa mère il devait lors
du 15 ème jour du 7 ème mois lunaire offrir les offrandes les plus pures et
joindre ses incantations à celles des moines de la sangha qui ce jour là sortaient
de leur retraite. Le disciple fit comme demandé et libéra sa mère. Il découvrit par la même occasion l'abnégation dont avait fait preuve sa mère et les multiples sacrifices qu'elle avait faits pour lui. Moggallâna, heureux de la libération de sa mère et reconnaissant envers celle-ci pour sa gentillesse, dansa de joie
Moggallâna demanda au Bouddha si ce qui
venait de lui être accordé pourrait servir à d’autres mortels désireux de
sauver leurs parents du cycle des renaissances. Le Bouddha répondit que
le 15ème jour du 7ème mois les âmes
errantes pourraient bénéficier d’une grâce collective à condition de répéter le
rituel indiqué.
La tradition se perpétue jusqu’à
nos jours et l’Ullambana est devenue
en Asie une fête importante notamment en Chine où elle porte le nom de Fête des
fantômes, en Corée, au Vietnam et au Japon où elle porte le nom de O-Bon. Au Japon cette fête donne lieu à
des danses : le Bon Odori.
Cette année la fête de l’Ullambana aura lieu le 5 septembre.
Comme on peut le voir avec les deux
sûtras mentionnés dans cet article le bouddhisme a pu s’adapter à la tradition
chinoise. C’est cette capacité d’adaptation dont ne sut pas faire preuve le
christianisme lorsqu’il tenta de s’implanter en Chine au XVII° siècle qui
explique que le bouddhisme ait pu devenir avec le confucianisme et le taoïsme
un des « trois Enseignements » fondateurs de la pensée chinoise.
Jean-Louis