jeudi 1 octobre 2020

Astrologie et Yijing

 

Je suis en train de terminer le roman de Fréderic Lenoir L’oracle della Luna (Albin Michel). Fréderic Lenoir est présenté, en quatrième page de couverture, comme philosophe, historien des religions et romancier. Il est notamment l’auteur d’un ouvrage sur Spinoza plutôt bien fait sur le plan pédagogique.

 L’oracle della Luna est un peu construit sur le modèle du Monde de Sophie de l’écrivain norvégien Jostein Gaarder. Le livre comporte deux aspects. C’est un roman d’amour et d’aventures racontant l’odyssée dans le bassin méditerranéen et la quête amoureuse d’un jeune Italien au temps de la Renaissance ; c’est par ailleurs un livre de vulgarisation philosophique et d’histoire des religions puisqu’à l’occasion des pérégrinations du héros on croise les personnages ou les idées d’Érasme, de Luther, du pape Paul III, de Pic de la Mirandole, de Copernic, de Platon, Aristote, Jésus, Paul, Plotin, Albumazar, Thomas d’Aquin et de bien d’autres encore…On le voit le livre est très bien fréquenté.

J’ai un avis partagé sur cet ouvrage. Même si c'est une bonne idée, au départ, de profiter des aventures du jeune Italien pour présenter les débats d'idées de la Renaissance, le côté romanesque me semble vraiment romanesque et pour tout dire un peu faible. Par contre l’aspect vulgarisation des idées est très bien fait. Je prendrai deux exemples : la Kabbale juive est très bien expliquée à l’occasion d’une promenade dans un jardin d’Alger où dix fontaines symbolisent les dix séphiroth de l’arbre Séphirotique.

Mais je voudrais surtout m’attarder sur un passage concernant l’astrologie (si j’ai bien compris d’après les remerciements en fin de l’ouvrage, la mère de l’auteur est férue d’astrologie). En effet, on voit l’astrologie mettre en œuvre le même mode de fonctionnement de l’esprit que celui mis en œuvre dans la divination chinoise et plus particulièrement dans le Yijing.

Plotin d’Alexandrie, représentant principal du néoplatonisme, « a fort bien expliqué dans ses Ennéades que l’univers était un immense organisme et que l’homme était une partie de ce tout. Or il existe des lois de correspondances universelles entre les parties qui composent ce tout. …Cette identité entre le microcosme et le macrocosme constituent le fondement philosophique de l’astrologie. L’univers est si parfaitement structuré qu’on peut reconnaître dans l’ordre cosmique, au moment précis de la naissance d’un individu, le même ordonnancement qui structure la psyché de l’enfant qui naît. » Les astres ne sont donc pas la cause du caractère de l’enfant, ils en sont le signe. L’ordre cosmique possède au moment de la naissance de l’enfant la même structure que celle de la psyché de l’enfant qui naît. Au moment de la naissance l’ordonnancement du cosmos et la psyché de l’enfant sont corrélés, sont en correspondance, sont apparentés.

Or comment fonctionnent la pensée chinoise telle qu’elle s’exprime notamment dans le Livre des Mutations. On retrouve l’idée selon laquelle le monde est considéré comme un organisme dont toutes les parties sont reliées, dont toutes les parties interagissent les unes sur les autres. On retrouve l’idée d’apparentement de structures (voir la notion de lun, post du 12 août). La structure de l’hexagramme, tiré au sort par le consultant, est apparentée (corrélée, en correspondance) à la situation qu’il est en train de vivre. Or un hexagramme est par définition toujours en voie de transformation (de mutation). La transformation de l’hexagramme tiré au sort et son évolution contient en germe une situation émergente et peut ainsi fournir une aide à la prise de décision.

La divination selon le Yijing et l’astrologie fonctionnent donc non pas sur le principe de causalité mais selon le principe de corrélativité. Notons que la comparaison s’arrête là car la pensée chinoise devait faire un usage très poussé de ce principe de corrélativité et l’étendre à des domaines les plus divers, notamment à la médecine.

On voit, encore ici, tout le bénéfice qu’on peut tirer d’une étude comparative où des systèmes de pensée d’origine diverses peuvent s’éclairer mutuellement.

Jean-Louis