Lorsque
l’on aborde le bouddhisme, on est surpris, voire dérangés par certains thèmes. Parmi
ceux-ci la notion de vacuité du moi, de non-moi (an-atman). Mais peut-être plus encore sommes nous perturbés par l’attitude
critique du bouddhisme face au désir qui nous enchaîne à la roue des renaissances,
au samsara. Je l’ai bien vu dans les
premières questions qui m’ont été posées après ma conférence du mois d’avril.
Le désir n’est-il pas le moteur de nos actions ? Une vie sans désir ne
serait-elle pas triste ?
Pourtant
certains auteurs occidentaux partagent, me semble t-il, la critique bouddhiste
du désir.
Ainsi
dans Albertine disparue, Marcel
Proust compare notre désir à la ligne d’horizon qui recule à mesure que l’on
avance ce que Thérèse d’Avila exprime en disant « Notre désir est sans
remède ». Proust en tire la conclusion suivante : « de sorte que
si le bonheur ou du moins l’absence de souffrance peut-être trouvé ce n’est pas
la satisfaction mais la réduction progressive, l’extinction finale du désir
qu’il faut chercher ». Cette analyse est très proche du but que s’assigne
le bouddhisme : « le but ultime (du bouddhisme) est de mettre fin à
l’engrenage du désir : une fois le désir éteint, tout karma cesse de se produire et le cycle des renaissances prend fin,
signe que le nirvâna a été
atteint » (Anne Cheng, Histoire de
la pensée chinoise). »
On
pourrait d’ailleurs faire une lecture bouddhiste de La recherche du temps perdu qui devait à l’origine s’intituler Les intermittence du cœur. A de
nombreuses reprises Proust évoque l’impermanence du moi et de notre désir. En
voici un exemple toujours tiré d’Albertine
disparue « On croit que selon son désir, on changera autour de soi les
choses, on le croit parce que hors de là on ne voit aucune solution favorable.
On ne pense pas à celle qui se produit le plus souvent et qui est favorable
aussi : nous n’arrivons pas à changer les choses selon notre désir, mais
peu à peu notre désir change. La situation que nous espérions changer parce qu’elle
nous était insupportable nous devient indifférente ».
Proust,
Bouddha : une même expérience humaine. Les grands penseurs se rejoignent
au sommet.
Jean-Louis